L'Objet : Réfection d'une statue
de Saint Roch et son chien sur l'île de Molène.

Les Faits : Fabriquée au début du XXe siècle par une manufacture parisienne de statuaires qui était située au 21 de la Rue Saint-Sulpice, cette statue de Saint Roch et son chien faisait partie des nombreuses statuaires religieuses qui décoraient et ornaient l'église de la petite île de Molène.

Après le ► IIe concile œcuménique du Vatican, dans les années 1970, en contre réaction au concile de 1962, pris de folie, une partie des habitants de l'île de Molène n'a rien trouvé de mieux que de jeter à la mer la quasi totalité des statues qui ornaient l'église de Molène.

Récupérée sur la plage de l'île de Molène par la famille Masson, fondatrice du ► Kastell-An-Daol, cette statue de Saint Roch et son chien, sérieusement endommagée, cassée en quatre, attendait, en très piteuse état, sous une cage d'escalier, depuis plus de 20 ans, d'être réparée et restaurée.

A la demande de cette famille, après avoir conçu le site web de leur établissement cinquantenaire ► Kastell-An-Daol, je me suis occupé de ce Saint Roch.

Voici ce que j'ai réussi à en refaire jaillir après une semaine de sculpture classique à la spatule et au ciseau.

Titre : Saint Roch et son chien
Hauteur : 130 cm Largeur : 60 cm
Poids : 45 Kg
Matière : MAP (mortier adhésif placoplâtre)
Technique : Sculpture (méthode additive)
Dorure : Vernis à l'or fin
Date de création : 1900, Paris, Rue Saint-Sulpice.

Date de Restauration : 2011, île de Molène.

Développement en images de la restauration ► Galerie de la Restauration

Synchronicité

Résumé de la petite histoire vécue,
au retour de l'île de Molène,
après avoir restauré ce Saint Roch et son chien :

En temps normal, quand je quitte l'île de Molène, pour revenir chez moi en Normandie, je dors à Brest. C'est la seule solution possible car il n'y a qu'un seul bateau par jour qui relie l'archipel de Molène au continent. Celui-ci arrive à Brest en fin de journée vers 18h30. Le seul train possible repartant ensuite de Brest pour la Normandie n'étant programmé qu'à 8h30 le lendemain matin, cela m'oblige à dormir à Brest.

Ce matin-là, je ne sais pourquoi, plutôt que de reprendre le train Brest/Rennes et ensuite Rennes/Caen qui me fait passer 7h15 dans les transports, j'ai pris la décision de scinder en deux mon retour en passant cette fois par Paris. Décision qui me fait prendre le train Brest/Paris Montparnasse puis Paris Saint-Lazare/Caen.

A Paris, arrivé sous le soleil de fin d'après-midi après avoir passé 4h00 dans le TGV, vers 16h30, j'ai décidé de rejoindre à pied la Tour Saint-Jacques en sortant de la gare Montparnasse. Bien que connaissant relativement bien Paris à pied, ordinairement je n'arrive jamais dans la capitale par cette gare. Ce jour-là, à Paris, en sortant de la gare, après m'être renseigné de mon chemin auprès de quelques agents de Police, je me suis mis en marche pour rallier la Tour Saint-Jacques où j'étais attendu par l'un de mes amis mexicains avec qui je suis arrivé à pied deux ans plus tôt à Saint-Jacques-de-Compostelle. Il a étudié pendant cinq ans les Sciences Politiques à Chicago et ensuite, pendant cinq autres années, la Diplomatie et les Relations internationales à Paris. Il habite au pied de la Tour Saint-Jacques. Cela fait quelques mois que nous ne nous sommes pas revus.

Depuis la gare Montparnasse, j'avais donc tout mon temps pour aller à pied jusqu'à la Tour Saint-Jacques. J'ai flâné en chemin au grès des rayons de soleil. N'étant pas certain d'être sur la bonne route, j'ai de nouveau redemandé à trois ou quatre reprise la justesse de ma trajectoire à quelques agents de Police jusqu'à ce que je tombe sur les flèches jaunes du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle marquées au sol sur les trottoirs de Paris. Là, je savais que je n'étais pas égaré et que ces flèches allaient me conduire tout droit jusqu'au parvis de Notre Dame.

Que ne fut ma surprise, quand, au détour d'une rue, en suivant ces flèches, je suis tombé pile-poil, sans le savoir et sans l'avoir prémédité, sur l'angle du 21 de la rue Saint-Sulpice. Ma marche venait de me guider à l'endroit exact où, une centaine d'années plus tôt, ce Saint Roch avait été fabriqué. Coïncidence troublante, la sculpture que je venais de restaurer sur l'île de Molène était signée au dos d'une entreprise qui était sise au 21 de la rue Saint-Sulpice au début du XXe siècle. Incroyable.

De là, j'ai descendu ensuite la rue Saint-Sulpice où je suis allé faire tamponner ma Credencial à l'église Saint-Sulpice. Ce jour-là, aux dires du prêtre qui m'a tamponné ma Credencial, j'étais le deuxième pèlerin de la journée à être passer dans sa paroisse pour y faire tamponner ma Credencial de Saint-Jacques-de-Compostelle.

Venant de passer un mois consécutif sur l'île de Molène, je suis resté deux jours à Paris chez mon ami mexicain. Contraste s'il en est, après un mois passé sur le "cailloux molénais", Paris grouille de monde en cette période sous les premiers rayons de soleil. J'en profite, avant de rejoindre le parvis de Notre Dame, pour passer dire un petit bonjour Rue Descartes à mon amie vietnamienne franco-ivoirienne Kaïdin Monique Le Houlleur qui vient de quitter Abidjan sans savoir quand elle y retournera. Elle s'inquiète de reprendre des nouvelles de ses ami(e)s japonais de Sendai où deux ans plus tôt elle est allée faire sa marche sur les traces de Matsuo Bashô. Elle veut savoir combien sont encore en vie. Un an plus tôt, nous avions pris en commun la décision d'annuler la marche que nous avions prévus d'aller faire en Afrique. Cette fois, c'est l'exposition que nous avions programmé d'aller faire à Tokyo tous les deux qui est annulée.

La veille de repartir de chez mon ami mexicain César Mondragon Alanis, pour le remercier de son hébergement en plein coeur de Paris au pied de la Tour Saint-Jacques, je l'ai invité à aller manger une viande Chez Denise - restaurant fabuleux situé au 5, rue de Prouvaire, dans la quartier des Halles, ouvert 24h/24, la quintessence de l'établissement parisien - pour me remettre des divers crustacés et fruits de mer que j'ai engloutis pendant un mois avec gourmandise sur l'île de Molène.

Le lendemain matin, j'avais prévu de reprendre un train pour Caen mais, au moment de repartir, impossible de retrouver mes papiers. Plus rien. Plus de passeport. Plus de carte d'identité. Plus de carte bancaire. Plus de chéquier. La totale. Panique à bord. Qu'est-ce que j'ai fait de mes papiers ? Impossible de les retrouver. Vingt minutes de stress au réveil. Sur l'île de Molène, pendant un mois, je n'avais pas eu à m'en servir. Après avoir payé Chez Denise, je les avais rangé ailleurs, dans un endroit où je ne les mets pas d'habitude. Dur retour à l'économique. Sur l'île de Molène, privilège de pèlerin, je suis invité. Je n'avais pas eu à m'en servir pendant un mois alors mon cerveau avait tout simplement zappé ce geste du quotidien. Recalage. J'ai pris suite à cela la décision de rester une journée supplémentaire à Paris pour me remettre de mes émotions.

C'est le lendemain, en fin d'après-midi, que la synchronicité s'est manifestée et enchaînée de façon étrange et surprenante quand, à ma grande surprise, le Secrétaire de la Mairie d'Amfréville située en Basse-Normandie m'a appelé sur mon portable alors que j'étais dans le train entre Paris et Caen.

Question du Secrétaire de Mairie :

-- Allo ! Jean-François, ici le Secrétaire de Mairie de la Mairie d'Amfréville. J'espère que je ne vous dérange pas. Je suis embarrassé. Je ne sais pas quoi faire. J'ai devant moi à la Mairie d'Amfréville un homme qui est totalement épuisé. C'est un marcheur. Il semble qu'il a beaucoup marché. Il ne parle pas un mot de français. C'est un allemand. Il parle allemand et l'anglais. Je ne sais pas quoi en faire. J'ai pensé que, puisque vous avez fait la marche de Saint-Jacques-de-Compostelle, vous pourriez peut-être m'aider ?

Question de JFA :

-- Il a marché d'où à où ? Combien de temps ? Il vient d'où ? Il a quel âge ? Puis le téléphone coupe, mauvaise transmission.

Rappel de nouveau du Secrétaire de Mairie sur mon portable :

-- Je ne sais pas dire son âge mais manifestement il semble totalement épuisé.

Réponse de JFA :

-- Ok ! Je suis dans le train, là ! Ça fait un mois que je suis parti. J'arrive en gare de Caen vers 17h30. Je suis à Amfréville d'ici deux heures. Envoyez-le moi. Téléphonez chez moi pour que quelqu'un puisse venir le chercher à la Mairie. On va l'héberger pour ce soir.

Je m'en occupe.

Résultat
après débriefing du personnage :

Résultat :

Quand la Mairie d'Amfréville m'a appelé, j'étais dans le train, revenant de passer 1 mois sur l'île de Molène. Nous avons hébergé cette personne à Amfréville en total état d'épuisement dans la maison de mes parents. Il ne lui restait plus alors que 9 € en poche. Il sentait une odeur pestilentielle.

Je lui ai donné tout le nécessaire en vêtements pour lui redonner un semblant de dignité humaine : 2 slips - 2 pairs de chaussettes - 2 pantalons - 2 sweet-shirt - 2 chemises - 1 marinière - 1 pull-over - 1 blouson polaire montagne de survie - 1 écharpe - 1 poncho pluie. Nous lui avons fait prendre une douche et le couvert.

Situation :

Il n'a plus de papier, plus d'argent, plus de passeport. Il voulait repartir le lendemain à pied jusqu'à Frankfurt en passant par la côte jusqu'à Calais pour rejoindre ensuite la Belgique, le Luxembourg pour rentrer chez lui avant de passer en Angleterre où il veut se rendre en Écosse pour aller y déposer les cendres de sa femme et de son enfant.

Conclusion :

Nous avons des DROITS et des DEVOIRS.

En terme de DROITS : Il est ressortissant européen. Nous devons lui redonner des papiers d'identité.

En terme de DEVOIRS : Nous lui devons toute la dignité humaine qui est de nôtre ressort. Nous devons lui procurer un rapatriement sanitaire jusqu'en Allemagne pour lui permettre de rentrer chez lui car ce soldat est loin de ses bases et a besoin aujourd'hui de tout notre soutien.

Vous m'avez envoyé ce CLIENT. Ce n'est pas vraiment n'importe qui. C'est un expert international en jeu d'échecs. Le premier soir d'hébergement, après qu'il ait pris son dîner, la première chose qu'il ait demandé à faire a été de demander s'il pouvait jouer aux échecs. Je lui ai alors indiqué un ordinateur portable qui était branché dans la salle à manger. Il s'y est installé. En moins d'une demi-heure, il a joué devant 10 joueurs internationaux. Il a remporté toutes les parties en mettant échec et mat tous ses adversaires en moins de deux minutes à chaque partie. C'est le moins que nous puissions faire pour l'aider. A vous de prendre maintenant le relais sanitaire face à ce vétéran de l'Armée américaine.

C'est en ces termes que j'ai provoqué de toute urgence une réunion en Mairie d'Amfréville au lendemain de cet appel de son Secrétaire afin d'assurer le retour sanitaire de cet homme en Allemagne. Nous l'avons gardé une nuit de plus, le temps de lui permettre de se reposer. Ensuite, la Mairie d'Amfréville lui a payé un billet de train Caen-Frankfurt et lui a offert 50 € pour lui permettre de rentrer chez lui sans qu'il ait à se poser trop de question le temps qu'il aille refaire ses papiers en Allemagne. La suite lui appartient.

Merci à eux.

Jean-François AILLET

17/03/2011

PS : C'est la première fois de ma vie que je m'occupais de restaurer un Saint Roch. Pour les autres, il n'y a pas de problème mais il faudra prévoir de me réapprovisionner en vêtements car je commence à manquer de fringues face à celui-là qui est totalement passé inaperçu en Basse-Normandie alors qu'il venait d'y entrer en parfait anonymat après plus de 6000 km parcourus à pied.

En apprendre un peu plus sur ► Saint Roch et son chien