Espace d'investigation et Propos de recherche...
L'Objet
: Au sortir
d'une période d'apprentissage plus ou moins classique de la
sculpture, voici ci-dessus quel est très exactement l'espace auquel je me suis intéressé et
à partir duquel j'ai pu entreprendre toute ma recherche en art.
Cet espace
s'appelle l'estran.
Les Faits :
Ce territoire géographique, situé là, au beau milieu de ce nul
part, étendue de rives,
là où les limites des territoires des hommes
s’affaissent à l’aplomb des falaises, où Statique et Dynamique
se discutent le sable en partage, a constitué mon terreau et terrain
d'investigation. Je me suis aventuré dans cet espace.
J'ai marché sur le sable de
cet estran. Je me suis intéressé au vide qu'il y a au dessus du sable à
marée basse. J'ai tendu la main à 1,5 m au dessus du sable et j'ai dit :
Là, il y a de la matière à extraire... ! Cela fait un peu plus de 20 ans de cela
et depuis ça a occupé et ça occupe toutes mes pensées et je ne sais toujours
pas sur quoi j'ai posé le doigt là où d'apparence n'importe qui
s'aventurerait à dire
qu'il n'y a rien là, que du vide et rien d'autre, rien que du vide.
En fait il en est tout autre
et il en va tout autrement tant ce vide n'est qu'une apparence. J'y ai
entrouvert une brèche. Je me suis engouffré dedans et je suis passé
derrière le miroir de ce vide pour m'aventurer dans un monde
extraordinaire, incroyablement moins vide qu'il n'y parait et rempli
d'une incroyable richesse et matière exploitable à profusion. Je me suis
intéressé aux ondes et aux vibrations dont l'estran est le réceptacle et
le théâtre. Je me suis intéressé aux ondes et aux cycles marégraphiques
qui vibrent sur cet espace qu'est l'estran.
De cet espace d'investigation
est né un projet que j'ai intitulé "Epaisseur de l'eau".
Un projet qui m'a permis de faire apparaître ce qui se cache
derrière le miroir du vide apparent de l'estran. Ce projet m'a muni d'un "immatériau"
: une mémoire marégraphique que je suis allé extraire au coeur même du
vibratoire des ondes marégraphiques.
Schéma synoptique du concept
du projet "Epaisseur de l'Eau".
Je me suis intéressé aux flux
marégraphiques, considérés sur la durée, pour aller extraire un matériau,
une
matière, un volume, dans le vide de cet espace, au coeur même de la marée.
Concrètement :
Je suis allé extraire de la matière dans le vide de cet espace, au coeur
du vibratoire. J'en suis revenu chargé d'une brique marégraphique
conceptuelle, une mémoire de la marée. D'un vide apparent, très vite
je me suis retrouvé confronté à quelque chose qui allait alors occuper mon
esprit pendant des années. Quelque chose qui appartient à
la définition même de l'espace, un volume réel, identifiable, mesurable, quantifiable
et chargé.
Je dis chargé car ce vide est effectivement symboliquement chargé tant la mer
est tout un symbole, le berceau de l'apparition de la vie sur la terre. Il
y a là de quoi puiser. D'un
vide apparent, très vite je me suis vite retrouvé la tête plongée dans les
étoiles à me questionner sur la perception de l'espace, sur la matière, le
volume, la lumière, les territoires, les racines, les migrations, les flux
migratoires, etc. Très vite je me suis retrouvé chargé d'un matériau bien
plus complexe qu'il n'y paraît.
Je me suis retrouvé en
possession d'une mémoire universelle.
Je me suis aventuré ensuite à
rechercher
le moyen d'extraire cette BRIQUE
MARÉGRAPHIQUE de son contexte afin de m'en servir comme d'un matériau de base
pour concevoir mes projets de sculpture. A partir de ce concept, j'ai pu commencer à
élaborer une première série
de projets qui utilisent et mettent le vibratoire de cet espace vide en
action mais cette fois plus sur un littoral ni sur un bord de la mer mais à
l'intérieur des terres, au coeur même des villes, là où vivent les humains.
Sculpter la mer à
l'intérieur de terres...
"Epaisseur de l'Eau" - "Le Glaneur de Cérès" - "Dialogue" - "Mélodie pour un sous-bois"
-
"Le Solitaire... des marées" - "La Cour des Amoureux"
- "Saturation" - "Les Discutants de De
Rauïschte" - "Les Modulateurs" - "Les Démodulateurs"
- "La Nuit des Princes" -
"Les Gestateurs" - "Les Plaques" - "Système NA Newton Archimède"
- "Spacer Système ETM" - "Le Rocher de la Chouette"
sont autant de projets d'art-espace que j'ai imaginé pour des villes.
J'en retiens deux qui, plus
que d'autres, m'importent plus, par dessus tout, tant ils sont
intemporels et marquent un passage vers une autre perception de l'espace et
des volumes :
Ces projets sont "Le Solitaire... des marées" et "La Cour des Amoureux".
C'est cette aventure que j'essaye de vous raconter et de vous faire partager tout au long de
ce Dossier Médicis en vous invitant à découvrir pas à pas, phase par phase, point
par point, ce que j'ai pu rapporter de cette quête de longue haleine qui
depuis maintenant un peu
plus de 20 ans m'a fait m'intéresser aux ondes marégraphiques et aux
cycles des marées en les intégrant et en les inscrivant à part entière
comme base plastique et architectonique dans l'élaboration d'une
démarche artistique.
Tout mon travail de
sculpteur repose et est basé sur ce pulse répétitif, cette cadence,
cette fréquence, ce vibratoire
universel commun et identifiable par tout le monde. Ces ondes
marégraphiques sont la carrière dans laquelle je creuse pour extraire mon
matériau, ma matière première de sculpteur, exactement de la même
manière qu'il peut être possible de creuser dans une carrière de marbre ou de granit
pour chercher à en extraire de la matière première qui servira ensuite à
sculpter.
La seule différence est que ma carrière est dynamique. Mais cette
différence est énorme car elle m'a fait passer au travers du miroir de
l'espace et de la perception que j'avais des volumes.
Sur cette étude d'un cycle de
marées de type semi-diurne, la bande
horizontale bleue marque l'espace qui va m'intéresser pour aller extraire
de ce cycle, entre 136 cm et 173 cm, le matériau que je recherche. Les crêtes des
cycles indiquent le comportement qu'il aura alors entre des périodes de
vive-eau et des périodes de morte-eau.
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