Un villageois en
Lubéron
accueilli
en résidence artistique
en Provence
grâce à Internet
Objectif de cette résidence
artistique :
Profiter
d'un moment suspendu pour boucler un dossier de demande
d'allocation de recherche et de séjour à l'étranger adressé au ministère français de la
culture et des communications dans la perspective d'aller poursuivre le projet
"Le
Solitaire... des marées" au Québec.
La structure
d'accueil :
"Le Moine avance à la
vitesse de ses savates, l'Internaute à la vitesse de la lumière ! L'un est synonyme de repli, l'autre de dépli sur le monde".
Telle est la devise à l'origine de cette structure d'accueil en
résidence "Le Moine et l'Internaute", imaginée en 1998 par
le metteur en scène international Pierre Jaccaud. "Le Moine et
l'Internaute" a été durant 2 ans un projet pilote pour le développement de la culture et des
nouvelles technologies de communication en ruralité : une structure
de recherche pluridisciplinaire déployée sur 25 villages répartis
dans le Vaucluse et 9 villages dans les Alpes de Haute-Provence. Un programme d'actions éthique et esthétique associant les lois
antiques de l'hospitalité à l'hyper-contemporanéité des outils du
savoir et de la diffusion. L'objectif de cette structure
fut d'accueillir en résidence des chercheurs, des artistes, ou tout porteur
de projet transdisciplinaire dans le domaine des arts, des sciences et
des nouvelles technologies. Pierre Jaccaud est avec Kamila
Regent le fondateur de "Chambre de séjour avec vue...", une
association d'art contemporain officiellement répertoriée comme étant
l'une des plus belles "Villas Médicis" au monde pour
accueillir des artistes en résidence.
Le Lubéron, vous
connaissez ?
Pour ma part, j'ai eu beau
sillonner la France dans tous les sens, depuis 20
ans, il m'aura fallu attendre d'arriver à l'aube de mes 40 ans pour
m'aventurer sur cette transversale du sud-est de la France. En traçant une diagonale depuis
l'Europe vers l'Amérique du nord, je me suis retrouvé un soir
de mars 2001, après 800 Km, 8 heures de train, un TER, un TGV, un TER,
30 Km en bus, 5 Km en taxis, dans cette région isolée du Vaucluse. En arrivant là, je répondais à
un e-mail sans trop savoir ce que j'allais découvrir ni où j'allais
mettre les pieds. Mon soucis en partant de Normandie était de
boucler un dossier de demande d'allocation adressé au ministère de la
culture et il me
restait en tout et pour tout 3 semaines pour faire cela. Ce
fut le monde à l'envers ! En
cherchant à aller vers le nord pour faire connaître mon projet "Le
Solitaire... des marées", je me suis retrouvé au
sud, sur la face nord du Lubéron !
Comment, simple
villageois, me suis-je retrouvé là ?
Par un e-mail arrivé dans
ma boîte. Oui, véritablement, par un simple e-mail arrivé
un beau matin dans ma boîte à e-mails. Ce que je vais vous décrire
là vaut pour témoignage, s'il en faut encore, qu'Internet est tout
sauf justement ce que l'on veut bien en dire. Avant de recevoir cet e-mail, je
n'avais jamais entendu parler de cette structure "Le Moine et
l'Internaute" ni de Pierre Jaccaud ni de Kamila Regent et encore
moins de "Chambre de séjour avec vue...". Il m'aura donc fallu attendre de
recevoir un jour un simple e-mail, très court, pour me faire boucler un
sac de voyage, parcourir 800 Km en contresens d'une route tracée vers
l'Amérique du nord, sans savoir à l'avance où j'allais ni ce que
j'allais découvrir. Ainsi, me suis-je retrouvé à l'autre bout de la
France, dans l'une des plus belles "Villas Médicis" au monde,
perdue dans une toute petite vallée miniature entre Avignon et
Forcalquier où résonnent des noms de villages comme Roussillon, Apt,
Bonnieux, Joucas, Gordes, Goult, Saignon, Saint-Saturnin-les-Apt,
Simiane la Rotonde et tant d'autres encore. Avant de traverser la France, en
quittant ma Normandie toute verte, vers cette petite vallée, tou(te)s
mes ami(e)s m'ont dit : "Tu vas voir, c'est beau, c'est vraiment
incroyable !".
Quoi ? Qu'est-ce qui est beau et
incroyable dans ce coin-là de France ? Leurs ai-je demandé ! Moi
qui, avant cela, avais parcouru déjà plus de 50.000 Km en autostop à
travers toute l'Europe. Des beaux coins et des coins pourris, autant
dire que j'en avais déjà vu quelques uns en Europe, au cours de mes
nombreux voyages. Alors qu'ont-ils voulu me dire, me suis-je demandé,
avant de partir ? Le savaient-ils eux-mêmes ?
Pour resituer un peu le
contexte...
Qu'est-ce qui a bien pu me
pousser à l'aube de mes 40 ans à entreprendre ce voyage et à faire
ce détour sur ma route à partir d'un simple e-mail reçu un beau
matin ? Un retour en arrière sur 20 ans
avant de projeter un autre voyage... Voilà ce qui m'a poussé à
boucler mon sac. Le chemin qui m'a mené jusqu'en
Provence aura mis 20 ans à se déployer pour finir par se dessiner sous
la forme d'un accueil en résidence artistique. Qu'est-ce donc qu'un accueil en
résidence artistique ? Dans la tête de beaucoup de gens, cela doit
bien prendre différentes couleurs, à une époque où l'on ne sait plus
trop bien quelle place accorder à l'art et aux artistes, tant ce
domaine semble être réservé à un tout
petit nombre. Pour moi, il s'agissait simplement
de mettre la dernière touche à un dossier de demande d'allocation de recherche et de séjour
à l'étranger. Ce qui se résume en fait à monter un dossier pour
demander de l'argent à l'État dans le but de poursuivre un projet
précis
► Voir
Dossier Médicis.
C'est étrange la vie ! Au moment même où je m'apprêtais à remettre mon
dossier au ministère de la culture pour faire une demande pour la "Villa
Médicis hors les murs", voilà que l'on m'invite à séjourner, en
Provence, en résidence artistique, justement dans une véritable "Villa
Médicis". Parfois, il y a des trames qui nous dépassent et qui nous
échappent. Des études
d'électrotechnique
bouclées il y a 20 ans ; un concours d'entrée
passé à l'école
nationale supérieure des beaux-arts de Tours en 1980 ; deux mentors pour m'aider à
guider mes premiers pas en début de parcours, le sculpteur
international Michel Gérard et l'écrivain Alain Borer, l'un des
cinq meilleurs spécialistes mondiaux en littérature rimbaldienne,
avec qui j'ai eu le plaisir et l'immense honneur d'étudier
pendant un an ; une recherche en art ébauchée
au début des années 80 et poursuivie pendant 20 ans ; une première série de
projets génériques dans le domaine de la sculpture contemporaine ; un passage par le centre
d'études supérieures industrielles, le temps de devenir Designer
manager et concevoir une collection de deux modèles de poussettes présentée sur deux salons internationaux du
matériel de puériculture, vendue sur le marché européen pendant
plus de cinq ans ; un passage par le centre de
recherche de l'université de technologie de Compiègne, Département de Génie
Mécanique, Division Design ; une formation de
Webmaster,
l'écriture, la création et la réalisation d'un site Web de 1500
pages commencé en 1998, achevé en 2000 pour
communiquer des projets d'art contemporain dont le projet "Le
Solitaire... des marées" : voilà comment, par un soir de
mars 2001, je me suis retrouvé en Lubéron à commander un café et à
appeler un taxis pour arriver à la tombée de la nuit dans l'une des
plus belles régions du monde. Ne croyez pas au chauvinisme, je
suis normand ! Aussi, pour vous dire que le Lubéron est véritablement
l'une des plus belles régions du monde, vous pouvez me croire, ce n'est
pas de la rigolade. Van Gogh, de Staël et tellement d'autres sont passés
par là pour en témoigner que l'histoire n'est plus à
réécrire.
Voila comment,
villageois, je me suis retrouvé en Lubéron ! En
mars 2001, au moment
où je boucle mon dossier à destination du ministère français de la culture et des
communications, je reçois un e-mail en provenance
de la structure 'Le Moine et l'Internaute" qui m'invite à passer
les voir pour un accueil en résidence artistique après avoir
découvert la présentation de mon projet sur Internet. Mon dossier pour le ministère
étant pratiquement bordé et bouclé à la mi-mars, je me dis qu'au
fond, un petit changement de repères ne pourra pas me faire de mal et
que, finalement, me placer dans la situation de monter sur la table
comme dans cette scène du film "Le cercle des poètes
disparus" ne pourra que me faire du bien. Je prends donc la décision de
partir pour le Lubéron, après que mon dossier ait été validé par
cette structure. Voilà comment je me suis retrouvé, un soir de mars
2001, à Apt, la ville mondiale de
la confiserie ! Et ce n'est pas des blagues, elle est vraiment bonne
la confiserie d'Apt !
Qu'est-ce que cet accueil
en résidence artistique m'a apporté ?
Franchement c'est
la vraie
question alors que tout le monde part au boulot le matin en se demandant
ce qui va bien encore pouvoir lui arriver, dans un monde de plus en plus décousu qui perd
quotidiennement ses repères les plus essentiels. En fait, cela m'a permis d'aller
vers les autres. Ce que je retiens de cet accueil en résidence, c'est
tout simplement qu'il m'a permis d'aller vers des personnes et de
rencontrer des personnes en allant vers elles sans être en demande. Ne pas être en demande. C'est un
point important dans le sens d'une démarche. C'est probablement la
chose la plus importante que cela m'ait permis de comprendre. Je suis
allé dans cette résidence artistique pour boucler un dossier inscrit
dans un autre contexte, n'ayant rien à voir avec cette résidence, et
finalement je me suis retrouvé là à côtoyer des personnes que je ne me
serais pas imaginé pouvoir approcher autrement.
En un week-end, je me suis
retrouvé à prendre mon petit déjeuner avec une
ancienne directrice du musée national d'art moderne de la ville de
Paris ; une célèbre critique d'art internationale de Londres ; une
critique d'art cinématographique de Belgique ; un architecte qui a
enseigné au MIT, etc. J'ai fait la connaissance d'un metteur en scène, d'une
restauratrice de tableau, d'une plasticienne parisienne, d'un industriel
et de toute une
équipe, celle du "Moine et de l'Internaute", des gens
extraordinaires. Pour le jeune Sculpteur et
Designer que je suis (40 ans, c'est très jeune pour ce genre de
profession qui demande une vie), cela m'a apporté, en
10 jours concentrés, probablement la synthèse qui me manquait depuis
20 années de travail dans l'ombre où j'en étais arrivé à me
demander si finalement je n'étais pas un petit peu fou de m'acharner
tant sur un chemin où bien des gens autour de moi finissaient par me
faire douter de mes convictions.
Vous pensez bien qu'à une époque
où les licenciements dans les entreprises vont bon train, où les
liquidations des structures ne choquent plus personne sinon
justement les personnes qui sont liquidées, que le statut de l'artiste
dans la société dure et difficile qu'est devenue la nôtre n'est pas franchement celui
qui est le plus facile à faire naître et encore moins celui qui est le
plus facile à revendiquer et à défendre. A l'issue de cette résidence
artistique en Lubéron, je suis intervenu dans une classe de Terminale,
option arts plastiques, au lycée d'Apt (1800 élèves) pour faire une
conférence-débat de trois heures destinée à présenter les tenants et les
aboutissants de ma démarche de plasticien auprès de jeunes élèves qui
s'orientent vers les arts plastiques, après quoi j'ai repris un TGV
pour Paris afin d'aller remettre mon dossier au ministère de la culture.
Conclusion :
Pour
les chercheurs, les scientifiques, les plasticiens, les personnes
porteuses de projets, ces accueils en résidence sont
indispensables et sans prix. Ils offrent la possibilité d'arrêter le temps et de le suspendre pour poser les
choses dans l'acte du dire et du faire. Ce sont des moments précieux qui permettent de sortir
la tête de la fourmilière afin de regarder les choses avec un autre point de vu, sous un autre angle.
C'est une respiration fondamentalement nécessaire et absolument
indispensable à la création.
PS
:
...Pour ce qui est des moines, je n'en ai point vu,
sauf peut-être celui qui sommeille en moi.
JFA
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