Témoignage
d'Isabelle Schmid
Architecte EPFL
Je vais tenter de
m'exprimer sur le travail de Jean-François Aillet et de vous
témoigner sa vocation de sculpteur. J'écrirai en guise
d’avertissement que je vous parle en tant qu’architecte et bien
que l’on trouve des points communs entre l’œuvre architecturale
et la création plastique, le parallèle n’est pas toujours
rigoureusement exact.
Le monde de la
production est aujourd’hui si diversifié qu’il semble difficile
dans les arts plastiques comme dans la création architecturale
de manier des concepts de typologie avec précision, de
travailler avec des règles érigées comme des grammaires qui
soient un véritable support de l’idée comme cela s’est fait
jusqu’aux environs du XVIIIe siècle.
Dans les deux
domaines, sculpture et architecture, on peut imaginer que pour
chaque création il existe une continuité entre la pensée - qui
comprend la culture dans laquelle elle évolue - la construction
- en tant que présence des techniques - et la société - comprise
comme support d’un programme.
Si l’on retrouve ces
concepts très généraux dans le travail de Jean-François Aillet,
on remarquera aussi qu’il donne une très forte prépondérance aux
lieux géographiques. Il les resitue dans notre système terrestre
et planétaire, les étudie individuellement jusqu’à percevoir
l’énergie dont ils sont chargés. Cette énergie, il va tenter de
la condenser dans l’œuvre, dans chaque détail jusqu’à former sa
propre miniature.
Le lieu devient le
moteur de la création. Ses derniers projets en cours posent par
exemple le problème des marées, des mouvements journaliers en un
même lieu. Il étudie les variations d’amplitudes et ramène ce
phénomène à des dimensions perceptibles, visible à travers des
formes géométriques simples et transparentes.
Les différentes
maquettes d’étude que j’ai pu voir sont toujours placées dans un
site naturel. Exécutées dans de grandes dimensions, ces
sculptures ont un certain pouvoir physique, car elles organisent
une pratique de l’espace, influencent et guident le promeneur.
En créant des volumes, Jean-François Aillet délimite une portion
de l’espace et le rend identifiable en tant que lieu.
Aujourd’hui,
Jean-François Aillet se trouve confronté à des problèmes de
construction et de mise en œuvre. Il est conscient que le choix
des matériaux constitue une base importante sur laquelle
s’établit la consistance formelle de ses sculptures, car forme
et construction sont inévitablement liées.
Son travail se
caractérise par une recherche patiente et laborieuse des
phénomènes physiques de la terre et de leur retranscription dans
le monde de la sculpture. Il s’agit d’une démarche non seulement
de plasticien mais de philosophe.
Depuis maintenant
six ans que je connais Jean-François Aillet, il me semble que
son engagement dans le domaine des arts plastiques devient de
plus en plus croissant et qu’il développe des thèses méritant un
aboutissement.
Depuis une année sa
création semble être non pas freinée mais elle supporte le
handicap d’un manque de soutien matériel et intellectuel.
En tant que jeune
artiste se vouant entièrement à sa profession, je pense que
Jean-François Aillet n’a rien à protéger si ce n’est une
certaine part d’idéalisme qui représente son capital d’énergie.
Je m’engage à
témoigner de sa vocation et me permets d’insister en sa faveur
sur son besoin d’obtenir une aide. Je vous remercie de
l’attention que vous voudrez bien porter à son travail.
Isabelle SCHMID
Architecte E.P.F.L. École Polytechnique Fédérale de Lausanne. Lauréate de la biennale de Venise en 1985. Extrait d'une lettre adressée à feu Marcel Bleustein-Blanchet, Président-fondateur de la Fondation de la Vocation, pour témoigner des raisons de la candidature de JFA aux bourses de la Vocation, en 1985.
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