Témoignage de Renaud Bonneville
Physicien, Docteur-ingénieur en Génie Chimique
Renaud Bonneville,
Plage d'Arromanches-Les-Bains,
18 juillet 2001.
Quel rôle joue la
lune ? C’est un astre éteint, donc ancien, qui reflète la
lumière du soleil et nous la transmet de manière variable mais
régulière selon notre position et notre point de vue.
Quel rôle joue la
mer ? Se trouvant sur la terre, donc un astre jeune, elle permet
la vie par l’eau qui la compose et elle relie tous les
continents entre eux. Elle transporte donc les hommes et les
dépose sur les rivages grâce à des mouvements variables mais
réguliers selon notre position et notre point de vue.
L’attraction
qu’exerce la mer sur l’humanité a toujours été très forte. Par
la vie qu’elle nous a apporté (boisson, nourriture), par les
végétaux (algues, bois flottés) et enfin par des hommes venus de
l’autre côté (navigateurs, explorateurs, conquérants), elle a
suscité une curiosité qui ne s’est jamais éteinte depuis, afin
de savoir d’où venaient tous ces objets animés ou non et ces
êtres semblables.
C’est l’attraction
qu’exerce la lune sur la terre qui a permis de créer les marées,
ces mouvements variables mais réguliers qui ont permis
d’apporter tout cela à l’humanité au travers du temps. Nous
pouvons en effet, maintenant, connaître l’amplitude d’une marée
en un lieu géographique donné et à une époque donnée de notre
histoire. La marée est donc le symbole des ces attractions, elle
est le lien qui nous unit dans le temps et dans l’espace, elle
représente la transitivité de l’attraction lune-mer et
mer-humanité.
J’ai donc tout
naturellement été attiré par le projet dit “Le Solitaire... des
marées”. D’une part, il représente à lui tout seul ces
différentes attractions : il permet de refléter, dans un lieu
précis, les variations des marées au cours du temps d’un autre
lieu précis. D’autre part, pour réaliser ce projet,
Jean-François Aillet a très bien utilisé le nouvel espace de
communication qu’est Internet permettant de le relier à travers
l’espace et le temps avec ses différents correspondants. Nous
retrouvons ainsi ces attractions dans le projet et dans sa
réalisation. En premier lieu, je voudrais développer le
symbolisme des marées. Je suis, comme tant d’autres, admiratif
devant le paysage que nous procure la mer par ses vagues
consécutives au bord des rivages, par ce lent processus
d’avancées et de retraits qu’elle active progressivement. C’est
par cette cadence régulière qu’elle représente le temps, de la
même manière que le mouvement de la terre autour du soleil nous
a permis de définir une mesure du temps. Cette cadence régulière
est aussi variable de par l’amplitude des marées. Nous passons
alors à des notions d’époques comme par exemple celle des
grandes marées.
Mais comme beaucoup
d’autres, je suis originaire d’une région des terres et je ne
peux les observer qu’en me déplaçant au bord des mers. Le projet
“Le Solitaire... des marées” permettra ainsi à des populations à
l’intérieur des terres de pouvoir admirer le phénomène des
marées et visualiser leurs variations à différentes époques.
Placer le
“Solitaire... des marées” dans une ville du Québec comme
Montréal, c’est intriguer la population, lui apporter cette
curiosité “primaire” sur un objet-concept qui se modifiera de
manière variable mais régulière selon le point de vue des
observateurs. Les marées seront reproduites au fil du temps et à
travers l’espace et les époques.
En second lieu, le
projet a pour moi une ambition historique puisque le choix de la
marée reproduite est celle de la ville de Saint-Malo d’où est
parti le navigateur et explorateur Jacques Cartier en 1534. Je
pense que c’est là le symbole le plus fort du concept. En effet,
les québécois sont très liés à leurs origines françaises comme
le prouve les deux devises “Je me souviens” (Québec) et “D’une
mer à l’autre” (Canada). Reproduire en plein cœur de Montréal
les marées de la ville de Saint-Malo, origine de la découverte
du Québec par les français, devrait beaucoup toucher les
montréalais. Cela m’a beaucoup fait penser au monolithe que
découvre une exploration sur la lune dans le film “2001,
l’odyssée de l’espace”, monolithe qui permettra de remonter aux
origines de l’humanité. N’est-ce pas une coïncidence troublante
: année 2001, lune, attraction similaire auprès des grands
singes (origines) et des astronautes (aujourd’hui), ... ?
Enfin, je retrouve
dans la préparation du projet une autre attraction. Celle
qu’exerce sur nous et notre époque le médium qu’est Internet.
Cet espace de communication entre les hommes est le nouvel
océan-territoire qu’a découvert puis utilisé Jean-François
Aillet, ainsi que les nouveaux bateaux que sont les bien nommés
“navigateurs”.
Il a construit puis
publié son site sur le Web et navigué sur la toile pour
atteindre de nombreux correspondants de manière beaucoup plus
facile que par les moyens traditionnels (même démarche que les
premiers explorateurs). Ayant suivi Jean-François Aillet dans la
préparation de ce projet, je peux témoigner de son admiration
dans la découverte de certains sites, dans la puissance de
communication d’Internet et dans la qualité de création qu’il
permet.
Après avoir été
attiré par Internet, il a pu attirer à son tour d’autres hommes
et femmes sur son projet. Voici un autre point très important du
“Solitaire... des marées” : il a fédéré beaucoup de femmes et
d’hommes, la plupart évidemment du Québec, qui ont répondu
sincèrement et avec beaucoup d’entrain à son projet en lui
apportant leur aide. Ce n’est pas un projet solitaire, mais le
“Solitaire” est un projet qui par son concept et sa réalisation
fait appel aux habitants indigènes, comme l’océan faisait appel
aux premiers navigateurs. En conclusion, le “Solitaire... des
marées” est un projet attractif, car il retransmet les marées
d’un point du globe au delà des mers aussi bien en direct qu’en
différé au travers des époques. Il permet aussi bien de
connaître les marées actuelles et à venir de Saint-Malo que
celle qui a permis à Jacques Cartier de partir pour sa
découverte du Québec plus de 500 ans auparavant.
Que ce soit en amont
ou en aval, les attractions se révèlent dans le “Solitaire...
des marées” : influence de la lune sur la mer, influence de la
mer sur les explorations humaines, influence d’Internet sur la
conception d’un projet.
Jean-François
Aillet, comme l’avait sûrement invoqué Lindbergh, que l’esprit
de Saint-Louis soit avec toi dans ta future traversée pour
réaliser ton projet : les deux tiers de sa traversée furent
faits entre le ciel et l’eau.
Renaud BONNEVILLE
Physicien,
Docteur en Génie des
Procédés Industriels
Université de Technologie de Compiègne
Juillet 2001
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