"Le Solitaire... des
marées"
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C'est quoi
ce projet ?
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Témoignage de
Pierre-Emmanuel Muller
Rédacteur en Chef
Pierre-Emmanuel
Muller, 19 août 2001, face au scribe de la Tapisserie de
Bayeux.
"Le Solitaire des
marées : diamant humain..."
Il est trois heures
du matin et Jean-François parle encore. Il parle en anglais, du
mieux qu’il peut. Son interlocutrice est hollandaise. Elle
plisse les yeux du fait de sa concentration. On plisse souvent
les yeux à trois heures du matin. Jean-François lui parle de son
projet, de ses projets. Ses mains s’activent, parlent avec lui.
Il marque une pose et son regard est fixe sur le lointain. Son
interlocutrice saisit l’occasion et se redresse : “Synergie !”
dit-elle, comme s’il s’agissait de la conclusion d’une
démonstration. A Jean-François qui la regarde, elle précise :
“It’s amazing !”. A travers l’anglais artistique de
Jean-François, comme de nombreux autres avant elle, elle a été
touchée. Touchée par l’humanité du projet, la vigueur des idées
et la passion qui animent cet homme, créateur de son temps,
citoyen du monde et noctambule.
Aujourd’hui, pour le
grand public, l’art est forcément abstrait, douloureux. L’art
est certes nécessaire, mais on s’est fait une raison : ce n’est
pas pour “nous”. Cela sans parler des artistes. Êtres étranges
venus d’ailleurs, ils enfantent de leurs créations on ne sait où
et les livrent telles que au public. Jean-François Aillet, lui,
a voulu aller au devant du public. Véritable charmeur de
serpents, il vient au milieu de la foule et dépose son
“Solitaire... des marées” à ses pieds. A peine a-t-il ouvert sa
panière à projets qu’une étrange mélodie s’élève.
Un public sceptique
se laisse amadouer. Au fond, rien n’est plus logique. Pourquoi
une oeuvre qui véhicule idées et rêves ne serait-elle pas
l’occasion de débats et discussions ?
Il ne s’agit pas de
décrier une quelconque forme d’art ou d’en valoriser l’une par
rapport à l’autre. Il est plutôt question de souligner la
démarche d’un homme. Au lieu d’imposer son travail ou de le
déclarer oeuvre d’art devant l’éternel, l’artiste peut ouvrir un
dialogue et s’ouvrir à la critique faisant ainsi preuve
d’humilité mais aussi de courage.
Nombreux sont ceux
qui ont annoncé, avec l’avènement du numérique, l’arrivée d’une
nouvelle forme d’art. Jean-François Aillet a montré que c’est
plutôt d’une nouvelle forme de dialogue avec l’art qu’a accouché
l’ère des réseaux.
Jean-François a
également su tirer profit du potentiel humain de l’Internet.
Tout comme ses travaux jettent des ponts entre les disciplines,
les cultures et les continents, Jean-François a tout
naturellement mis à contribution le réseau des réseaux pour
fédérer entre eux des hommes et des femmes du monde entier.
D’abord mis en ligne
par un breton, le site Web du “Solitaire... des marées”,
véritable quartier général fédérant tous les autres travaux, a
été visité par des internautes des quatre coins du monde,
apportant, à leur façon, leur pierre à l’édifice. Comme le dit
Jean-François lui-même, ils ont tous donné “un peu de leur
aura”. Une québécoise a offert un plan de la place
Jacques-Cartier à Montréal pour qu’une mise en situation du
“Solitaire” puisse être faite. D’autres ont présenté le projet
aux commerçants de la place.
Pourquoi cette
adhésion massive ? Peut-être parce que le projet de
Jean-François opère un curieux mécanisme de levier. Au départ,
l’observateur voit dans son travail quelque chose de simple et
facile d’accès. On s’y avance comme dans une mer que l’on sait
peu profonde et translucide. Puis, à mesure que l’on découvre,
on se rend compte que les flots sont plus tumultueux qu’il n’y
paraît, que l’eau s’agite quand on la regarde. On se laisse
prendre par la main, entraîner par le raisonnement, on
appréhende les nuances et les ingéniosités. Tout se dévoile
petit à petit. On mesure alors, étonné nous-même d’en être
arrivé là, la richesse et l’ambition d’un projet comme le
“Solitaire... des marées”. On se prend alors à lire dans
l’intelligence comme dans un livre ouvert. En pleine mer, porté
par les flots, le spectateur est conquis et savoure son plaisir.
Le levier a
fonctionné. Le public s’est élevé de lui-même, simplement en
approchant le projet, en suivant le fil d’une pensée qu’il a
faite sienne. Jean-François réussit le pari fou de rendre l’art
accessible sans le galvauder, sans le parer d’oripeaux
fantasques et disgracieux. Il fait de chacun un artiste,
recréant l’œuvre à mesure qu’il la contemple.
Au départ étincelle
dans l’esprit d’un seul homme, le “Solitaire... des marées” a su
fédérer derrière lui tant et tant d’internautes, de citoyens
d’ici et d’ailleurs. Tous portent un peu du projet, tous se
sentent solidaires et proches de l’œuvre. A eux tous elle
s’impose comme une évidence. Depuis bien longtemps déjà, cette
oeuvre est réalisée dans le cœur de bien des hommes. Depuis bien
longtemps déjà, le “Solitaire” n’est plus tout seul et il a
démarré.
Pierre-Emmanuel
MULLER
Rédacteur en Chef
Magazine francophone des Internautes modernes
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