Témoignage de
Sylvain Sauvage
Designer
JFA et Sylvain
Sauvage, sommet des Alpes suisses, Suisse alémanique,
18 novembre 2001 à 12h38.
[… / ...]
De :
Jean-François AILLET A : Slysauvage@worldnet.fr
Objet : Ton site sur le net Envoyé le : 23/05/99
Je viens de
jeter un coup d’œil rapide sur ton site, sur le net.
C’est pas mal. C’est clair. Précis. Relativement rapide.
Tu l’as fait avec quoi ? FrontPage98 ?
Je suis
en train de préparer un projet de Compagnonnage International
qui a pour but de me permettre d’aller travailler, vivre et
séjourner 1 an par continent au cours des 5 prochaines années
dans l’exercice de mon métier de Designer Industriel.
Pour l’activer
je suis en train de préparer un peu la même chose sur cd-rom à
envoyer directement à des agences.
Quand Jean-François
(JFA) m’a demandé de lui écrire un texte pour son Portfolio, je
me suis “sauvagement” précipité sur mon PC pour relire avec
plaisir le premier mail qu’il m’avait envoyé, voilà plus de deux
ans déjà, à l’époque où je concevais mon premier site Internet,
mon métier maintenant ! Et vous… vous souvenez-vous du premier
contact que vous avez eu avec un(e) ami(e) ? Une rencontre
fortuite au hasard d’une soirée entre ami(e)s, une prise de
connaissance logique au début de l’année dans le milieu scolaire
ou professionnel. Quand on y repense, on se dit : “C’est drôle,
déjà tout ce temps. Et si je n’avais pas été là à ce moment ?”
Autant de questions sans réponse qui me font croire que le
hasard fait bien les choses quelques fois.
Maintenant vous
tenez dans les mains ce livre, son livre. Est-ce par hasard ? Et
comme moi j’espère qu’il vous apportera autant que JFA m’a
apporté. A l’époque je venais de faire un petit site web pour
m’aider dans mes prospections professionnelles. Aussi je surfais
la toile sans limite, et je reçois cet e-mail après avoir laissé
un message parmi tant d’autres sur un forum perdu au milieu du
réseau : “Je suis en train de préparer un projet…” Le mot était
dit. Commença alors une longue et passionnante correspondance
(275 e-mails échangés à ce jour), sans laquelle je pense, je ne
serais pas heureux, ici, en Suisse, travaillant pour une société
californienne.
Il apparut très tôt
que nos projets étaient similaires : le sien, bâtir ses œuvres
pour un public réel, le mien, bâtir un nouveau site Internet
pour un public virtuel. Alors nous pouvions commencer à nous
aider. L’aide, la chose qui me paraît la plus essentielle dans
ce monde. Nous aider par des moyens simples, des conseils ou un
avis sur un texte, une page, un graphisme, un produit, mais
surtout aider à orienter l’autre vers ce que l’on ressentait de
mieux pour lui, au travers du filtre de l’e-mail. Par exemple
JFA me poussa à utiliser mon nom, Sauvage, comme prétexte à
ironie pour mon site Internet www.homodesignus.com.
Jusqu’alors je ne m’étais jamais rendu compte combien mon nom
pouvait être efficace et pertinent : un créateur sauvage qui
habite une caverne électronique, un homodesignus en fait ! Je
reconnus là un des talents de mon correspondant, qui, par un
simple échange de courriers, pouvait voir plus loin que j’en
étais capable. Aussi, il me lança le défi d’enregistrer une
vidéo humoristique pour le e-magazine levillage.org qui
proposait à ses lecteurs de créer un simple clip vidéo original
à partir d’une webcam. Je me lançais alors dans un nouveau
projet bien plus ambitieux. J’enregistrais seul à l’aide d’un
caméscope numérique une séquence de deux minutes, couvert d’une
peau de bête et grimé de boue, courant pieds nus dans les bois
en plein mois de février, avec un ordinateur sous le bras !
L’Homo designus était né, PCgénique ! Quelle rigolade avec JFA,
qui était bien surpris de voir que j’avais considéré son défi
sérieusement.
Nous correspondîmes
aussi pour échanger nos points du vue sur le métier du design
produit et de la création en général. Tout comme moi JFA est un
technicien et nos avis convergent vers un avis commun sur la
création : la méthodologie de conception est la structure d’un
projet sans laquelle il n’y a pas de succès à long terme. Que
cela soit pour un site Internet, une architecture, un produit,
la gestion d’un projet défini par des étapes réfléchies (analyse
des besoins, cahier des charges etc.) elle permet de réussir,
c’est à dire d’atteindre les objectifs (marketing, personnels)
préalablement fixés. C’est une définition du design sur laquelle
nous sommes tombés d’accord. Je pouvais donc comprendre plus
facilement sa pensée en visitant son site Web, véritable
démonstration d’un projet bien mené. De mon côté, je poussais
JFA à être plus “graphique” dans ses travaux concernant ses
pages HTML, car pour moi, un très bon site, dans le contenu,
peut multiplier son audience avec de beaux dessins. L’esthétique
est un outil essentiel dans notre métier. Je me souviens avoir
longtemps regardé son projet “Le Solitaire... des marées” sur
son site Internet, et avoir été subjugué par sa description
complète. Plus qu’un projet passionnant, qu’une sculpture
didactique, le “Solitaire” est une œuvre dont on se demande
pourquoi on ne peut la voir pour le moment. Ce qui me passionne
dans ce métier c’est le concept, c’est à dire créer à partir de
l’entrecroisement d’idées qui à l’origine ne sont pas voisines.
Créer une marée là où il n’y en a pas pour marquer les esprits
d’une cohésion historico-géographique, voilà un concept
fichtrement original. Mais lorsque je découvre derrière cela
l’énorme machine mise en œuvre pour réaliser ce projet, alors je
m’incline.
Nous passons encore
beaucoup de temps à faire connaissance et à échanger nos pensées
sur des thèmes différents comme la famille (un point important
pour JFA), l’amitié, la vie, la mort. C’est sur ces sujets assez
délicats que l’on devine plus facilement une personnalité.
Nous nous sommes
rencontrés une fois. C’était dans sa caverne normande, à quatre
pieds sous terre, où l’on ressent une ambiance studieuse et
paisible, l’endroit idéal pour concevoir.
Nos envies sont
similaires, nos moyens sont identiques, notre passion pour le
design, les gens et la vie est commune, et j’espère le résultat
à l’échelle de nos rêves. Mais JFA a une qualité que je n’ai pas
: la persévérance. Mais il n’y a pas de persévérance quand on
sait que ce que l’on fait est juste et bien : une intuition.
Alors cela se transforme en patience, une autre de ses qualités.
Aujourd’hui, mon
projet a abouti grâce en partie à cette relation, grâce à l’aide
d’un ami qui a su me faire découvrir l’essentiel de mon message.
Sans le Net, cela aurait été plus difficile, car dans une amitié
électronique, on n’y va pas par quatre chemins pour dire ce que
l’on pense. Quant à JFA, il n’est qu’au début d’une histoire
merveilleuse pour sa vie, il suffit de regarder ce book et de
l’écouter parler. La page est tournée. Le premier chapitre se
termine maintenant et tout est dit dans ce livre, tout est
montré. Après un site Internet de plus de 100 Mo, “www.aillet.com”,
c’est un livre de 200 pages, “La Villa Médicis hors les murs,
j’y vais !”, qui vient finir cette première étape.
Nous menons une vie
parallèle, il me semble que le parcours de l’un soit calqué sur
celui de l’autre et réciproquement. Parce que nous sommes nés de
la même mère, l’Internet, qui depuis plusieurs années nous
éduque et nous fait avancer. En effet elle nous apprend
l’ouverture d’esprit, la prise de contact, le culot parfois mais
le respect, l’introspection, la passion, et surtout la patience
lorsqu’on craint de ne pas voir ses rêves réalisés. L’amitié, le
hasard et l’Internet construisent notre vie, une vie différente
mais passionnante. Puisse-t-elle ne pas changer !
Que j’aime cette
phrase tibétaine :
“Si tu arrives au
sommet de la montagne, JFA, continue de grimper !”
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