Rencontre avec Ryosuke Cohen (1) |
Le projet Brain Cell de
►
Ryosuke Cohen a débuté en 1985. Le grand artiste d'Osaka
y reprend des images et des tampons qui lui sont envoyés du
monde entier par le réseau du mail-art. Des images de toutes
les formes et de toutes les couleurs. Parallèlement, il a
lancé en 2001 son Fractal Portrait Project, un autre projet
au long cours, qui s'inscrit dans la tradition artistique
japonaise du travail sur le temps et la durée. Ryosuke est
le fils d'un auteur de haïkus bien connu au Japon, Jyunichi
Koen.
2007 : Comment vous
parler avec des mots simples de cette rencontre avec Ryosuke
Cohen au FZKKE ? Bon, ne vous inquiétez pas,
personnellement, en ce qui me concerne, je ne parle pas un
seul mot de japonais. Aussi, vais-je essayer d'aborder le
sujet de ce travail et de cette oeuvre artistique autrement
pour vous la présenter.
Depuis maintenant un
peu plus de 25 ans, Ryosuke Cohen demande et a demandé, un
peu partout dans le monde, à des gens de lui envoyer et de
lui faire parvenir des logotypes, des coups de tampons en
tous genres, etc. Jusque là, ça va.
Il reçoit et a reçu
régulièrement des réponses à ses demandes via des réseaux de
Mail art. Celles-ci lui sont arrivées par la poste de plus
de 80 pays. Pas mal ! Ça demande un sacré boulot
d'organisation, un sens méticuleux du suivi, une sacrée
logistique de relances, etc., mais, il a montré que c'était
possible. Alors rien que pour cela : Chapeau bas et un grand
Bravo !
Là où ça devient plus
ardu et très intéressant, c'est après, la suite... Il fait
quoi ensuite avec tous ces coups de tampons et de tous ces
logotypes qu'il reçoit par la poste ? C'est ce que je vais
essayer de vous expliquer et de vous montrer ici en images :
Alors qu'il achevait
sa tournée européenne, il est arrivé chez Rüdiger au FZKKE
avec ►
pleins de rouleaux noirs qu'il a déplié au beau milieu
de la galerie, puis il a invité Rüdiger à se déshabiller et
à le suivre.
Jusque là, ne vous
inquiétez pas, tout va bien !
Bon, Rüdiger étant
►
un beau bébé, cela nous a fait passer un bon moment, un
Streaptese au FZKKE ! Là, c'est sûr, c'est du lard, euh,
pardon, non, de l'art !!!
Ensuite, Ryosuke Cohen
a invité ►
Rüdiger à prendre position et à s'allonger sur le
rouleau déplié couvert de tampons et de logotypes.
C'est là que commence
toute la subtilité et toute la finalité de son travail.
Ryosuke Cohen s'est alors installé autour du corps allongé
de Rüdiger, dessinant au crayon à papier, sur le rouleau
déplié, le contour du corps de Rüdiger
►
pour prendre et figer l'empreinte de sa silhouette.
Ensuite, il s'est
installé à son tour sur le rouleau de papier d'une façon
extrêmement classique et traditionnelle,
►
prenant posture d'une grande noblesse digne des plus grands
Maîtres de l'estampe, nous montrant par là une pratique,
un geste culturel et ancestral acquis, qui nous ont semblé
tout droit sortir de l'héritage d'un lointain passé
►
pour dessiner plus précisément le contour de cette
silhouette.
Qu'est-ce que Ryosuke
Cohen a voulu nous montrer et nous faire comprendre là ?
Qu'en fait-il après ? Que fait-il de cette épure, de cette
prise ? Là est toute la question et tout le questionnement
de cette oeuvre en progression à ce moment précis.
De retour au Japon,
Ryosuke Cohen, en fait, noircit ensuite toute la partie
contenue à l'extérieure de la silhouette sur le rouleau de
papier avec de l'encre noire afin de ne laisser plus
apparaître de façon visible que la partie intérieure de la
silhouette humaine.
Tiens, tiens... ???
Tout ce travail de
Mail art, de coups de tampons et de logotypes collectés de
partout dans le monde pour ça... Qu'est-ce que c'est ?
Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Nous sommes précisément
en présence de quoi, là ? La silhouette humaine dénudée et
re-habillée ensuite de tous les coups de tampons du monde...
C'est bien cela ? C'est bien de cela dont il s'agit ? Tout
cela nous vient d'un homme qui vit au Japon, d'un homme dont
toute la famille a vécu Hiroshima et Nagasaki.
Ah ! Ça devient très
intéressant là, d'un seul coup ! N'y aurait-il pas là dans
l'oeuvre de Ryosuke Cohen, dans sa démarche, comme une
manière de nous montrer cette disparition, cette
nucléarisation du corps, cette vaporisation de l'être, cette
disparition du corps humain et de la chaire humaine comme
pour mieux nous la montrer et nous le faire réapparaître
quelque part totalement déshumanisé ?
L'oeuvre de Ryosuke
Cohen m'apparaît être une oeuvre majeure face aux
►
premiers bombardements atomiques de l'Histoire lancés
sur Hiroshima et Nagasaki qui nous ont apporté ces vues
insaisissables de ces ombres humaines noircies des
silhouettes des 75.000 personnes tuées immédiatement sur le
coup, littéralement projetées et vaporisées, au moment du
souffle de l'explosion, sur les murs des façades de ce qui
restait encore debout après...
C'est tout ce travail
de mémoire que j'ai ressenti devant l'oeuvre de Ryosuke
Cohen. Comment montrer et expliquer au monde ? Comment
re-remplir après l'essence et le contenu intérieur de ce qui
avait été la substance même, contenue de ces ombres
projetées et vaporisées à jamais ?
Voir
►
Rencontre avec Ryosuke Cohen 1
Rencontre avec Ryosuke Cohen (2) |
Même processus, même
procédure, version féminisée.
Voir
►
Rencontre avec Ryosuke Cohen 2
Rencontre avec Ryosuke Cohen (3) |
Même processus, même
procédure. Mais cette fois, version portait. Comment se
mettre dans la tête de Ryosuke Cohen, quand il s'installe à
proximité du poète et journaliste afghan, Azim Shabal Nawabi,
pour en saisir à main levée son profil ?
Comment saisir toute
la portée de ces trajectoires et de ces histoires ici
réunies et rassemblées au même instant devant le viseur de
mon appareil photo ? Hiroshima, Nagasaki, Kaboul, Japon,
Afghanistan, quand nous sommes en Allemagne ?
Lequel de
►
ces rouleaux choisir, pour Ryosuke Cohen ?
Laquelle de
►
ces chaises choisir, pour Azim Shabal Nawabi ?
Laquelle de
►
ces prises choisir dans le viseur de mon appareil ?
Quel angle ?
►
Celui-ci ? ►
Celui-là ?
Pour Azim Shabal
Nawabi, face à son parcours exemplaire d'ancien rédacteur en
chef d'une revue pour femmes en Afghanistan, j'ai choisi de
prendre ►
cette photo symbolique devant les portraits exposés de
ces femmes belges, mères et filles, les filles Ross et
►
cette photo, pour la dignité de son engagement et de son
combat. Pour Ryosuke Cohen, je retiens ce
►
"Face
à Face" magique et envoûtant, mesurant là tout le poids
de cette rencontre face à l'Histoire. Pour Shingo Mizoguchi,
je garde en mémoire
►
cette photo, avec à gauche la bibliothèque de Rüdiger
remplie de tous les catalogues de toutes les documenta qui
se sont déroulées à Kassel depuis 1955 et, à droite, cette
oeuvre achevée de Ryosuke Cohen. Pour Kazunori Murakami,
►
cette photo, synthèse de la complicité de ces trois
hommes venus d'un si long voyage nous apporter et nous faire
partager toute cette richesse présentée.
Voir
►
Rencontre avec Ryosuke Cohen 3
Départ de Ryosuke Cohen pour le Japon |
De ces trajectoires à
travers le temps et l'espace, de ces voyages où les
destinées se croisent en chemin à travers l'Histoire, Bonn
Hauptbahnhof, gare centrale de Bonn, pour Ryosuke Cohen,
Shingo Mizoguchi, Kazunori Murakami, Rüdiger et moi-même,
l'heure est venue de nous remettre en route.
Avant de nous séparer,
nous aurons pris ce temps de visiter ensemble cette ville
natale de ►
Ludwig van Beethoven à qui Haydn aura dit de lui, vers
1793 :
« Vous me faites l’impression d’un homme qui a
plusieurs têtes, plusieurs cœurs, plusieurs âmes », ce à
quoi Schubert ajoutait, en 1827 : « Il sait tout, mais
nous ne pouvons pas tout comprendre encore, et il coulera
beaucoup d’eau dans le Danube avant que tout ce que cet
homme a créé soit généralement compris. »
Après
►
la fraternité d'un dernier repas partagé, ainsi va la
vie des hommes à l'heure des départs,
le temps de se dire au revoir ou à jamais. Pour nos
trois japonais, 10 heures de décalage horaire les attendent
avant d'arriver à Tokyo. Pour Rüdiger et moi-même, le temps
est maintenant venu de nous remettre en route à destination
de Kassel pour aller voir cette fameuse documenta 12.
Voir
►
Visite de Bonn
Voir
►
Carnet de voyage 2007 résumé en
images
Fractal
Portrait Project 2015
Carnet de voyage 2015
►
Résumé en images
depuis Köln jusqu'à Euskirchen
pour aller rencontrer Ryosuke Cohen et Noriko Shimizu au
FZKKE.
►
Köln/Euskirchen
à pied ►
Rencontre au FZKKE
►
Fractal
Portrait Project (Uli Grohmann)
►
Fractal
Portrait Project (Jean-François Aillet)
HAPPENING
►
Petit
cadeau de Jean-François Aillet à Ryosuke Cohen
Bijou architectural
►
Visite
de la Bruder-Klaus-FeldKapelle de Peter Zumthor
(Seconde)
Rencontre avec
►
Ryosuke Cohen
Fractal Portrait Project 2015
Petite leçon d'anatomie
Ce cadeau vient de
m'être envoyé du Japon
par ce monument de l'art
contemporain
international qu'est
►
Ryosuke
Cohen
Portrait Fractal
Project : En 30 ans, il en
a produit un peu moins d'une centaine, comme celui-là, à travers le
monde. En 2007, il m'avait déjà fait l'immense honneur de m'offrir
mon ►
profil lorsque je l'avais rencontré pour la première fois. Là,
quand j'ai découvert ce que ma factrice est venue m'apporter dans ce
rouleau posté depuis le Japon, j'ai immédiatement pensé à mes
compatriotes... Ryosuke Cohen a 70 ans. Il a été opéré d'un cancer
de l'estomac où on lui a enlevé la moitié de l'estomac. Là, je
trouve que ce bonhomme a franchement des tripes ! Bon, ben
maintenant, il va falloir que je le fasse encadrer et que je lui
trouve une place de choix... Va falloir que je pousse les murs !!!
Elle va être cool, la Marie-Louise...
Voir la
vidéo de la
►
CREDENCIAL utilisée pour faire honneur à Ryosuke
Cohen
lors de ce
►
HAPPENING
en sachant que
je suis allé à pied à sa rencontre.
Qu'avons-nous, là, en
présence iconographique et en lecture ?
Un homme qui se tient
debout sur un tapis. Cet homme est âgé de 70 ans. Il est japonais.
C'est un très très grand artiste japonais. Il fait partie de cette
génération de l'après Hiroshima et Nagasaki. Il se tient là debout,
du haut de ses 70 ans, comme un Samouraï, avec une telle dignité
qu'il impose le respect surtout quand l'on sait que l'on vient de
lui enlever la moitié de son estomac des suites d'un cancer. Il sait
et il connaît parfaitement ce qu'ont été les après de ces deux
bombes atomiques. Il a fait carrière dans le domaine de l'art au
point qu'il en est devenu une icône de référence internationale
incontournable dans le domaine du Mail-Art, une figure adulée et
reconnue à travers le monde. Quand je le rencontre, là, en
Allemagne, c'est la deuxième fois que nous nous croisons dans la
vie. Nous ne parlons pas la même langue. Nous nous comprenons
uniquement en anglais. Il sait ce que je fais. Il a lu ce que j'ai
écrit sur lui. Il m'interroge sur la manière et sur les outils que
j'ai utilisé et comment j'utilise les supports pour faire venir les
sables. C'est notre point commun de référence. Nous utilisons tous
les deux la Poste au niveau international pour faire venir des
choses sur la durée, lui des tampons, moi des sables et des photos.
Aussi, pour le remercier de l'immense cadeau que je comprenais à cet
instant qu'il allait me faire, je lui ai demandé de se tenir debout
sur ce tapis et je lui ai déroulé devant ses yeux quelque chose de
très précieux que je ne montre que très rarement :
►
ma Credencial.
Quand je suis arrivé
pour la troisième fois de ma vie à Compostelle, à
Saint-Jacques-de-Compostelle, à Santiago de Compostela, en 2013 et
en 2014, les responsables du bureau des enregistrements des
Compostela ont arrêté la foule des pèlerins devant moi lorsque je
leurs ai amené et présenté cette Credencial. Il faut y être allé et
il faut avoir vécu cela pour le comprendre et en comprendre le sens
et la portée tant je puis vous dire que cela fait vraiment quelque
chose lorsque des gens officiels arrêtent devant vous une file
d'individus de plus de 250 personnes venus du monde entier, des gens
qui viennent de partout et qui viennent de marcher pendant des
centaines et des centaines de kilomètres pendant des semaines voire
des mois. Croyez-moi, à ce moment-là, vous êtes regardé vraiment de
la tête aux pieds. Ils m'ont dit et ils m'ont alors demandé, lorsque
je leurs ai sorti cette Credencial : "C'est quoi, ça, Monsieur
?" -- Je leurs ai dit et répondu : "C'est ma
Credencial." -- "Comment cela, c'est votre Credencial
?" -- "Oui, c'est ma Credencial. Elle représente et
elle est la trace tangible de mes 15.000 km à pied le long des
chemins patrimoniaux. La lanière en cuire qui l'entoure, c'est ma
ceinture d'écolier quand j'allais à l'école communale et le bâton
qui m'accompagne, j'ai joué dans l'arbre où il a poussé quand
j'avais 10 ans, il a poussé en même temps que moi, c'est du buis, il
connaît tous mes printemps, tous mes étés, tous mes automnes et tous
mes hivers. Je l'ai culassé avec une douille allemande de 20 mm
tirée le 6 juin 1944 à Omaha la Sanglante et, ensuite, je suis allé
lui faire faire le tour de l'Europe. Cela a été mon pèlerinage comme
pour mieux m'aider à digérer cette guerre qui a bercé toutes les
histoires de mon enfance et de ma vie d'adulte." -- Là, tout
le monde s'est arrêté. J'ai eu un doute de lecture et de lisibilité
de la situation quand mes yeux ont commencé à s'embrouiller. Je me
suis ravisé et j'ai dit : "OUI, c'est ma CREDENCIAL."
-- Là, une personne est venue vers moi, a installé un panneau "STOP"
derrière moi pour arrêter tout le monde devant le bureau
d'enregistrement et m'a demandée de la suivre, en prenant dans ses
mains cette Credencial. Ils m'ont alors fait passer derrière le
bureau des enregistrements avec mes deux sacs à dos et ils ont
déroulé entièrement ma Credencial sur les 10 m linéaires du comptoir
pour en montrer tous les tampons, puis ils sont allés chercher un
journaliste afin d'immortaliser cette situation. Tout le monde s'est
arrêté. A cet instant, j'ai compris qu'il y avait un truc que je ne
comprenais pas. Ils m'ont dit alors : "Monsieur, vous devez
savoir une chose, depuis plus de 25 ans que nous sommes-là à voir
passer des gens qui viennent du monde entier, nous n'avons jamais vu
un truc pareil, une Credencial comme celle-là. Jamais personne ne
nous a apporté un tel document." -- Aussi, vous devez savoir
une chose : "Votre document est tellement précieux que sa
place doit être au Musée de la Cathédrale." -- Là, je me
suis ravisé et j'ai dit : "Bon, pour le Musée, on va attendre
un petit peu ! Pour l'instant, je vais continuer à aller la faire
tamponner encore un petit peu, je ne suis pas vraiment pressé."
-- C'est avec ce document précieux, très rare, sinon singulièrement
unique, que j'ai enrubanné Ryosuke Cohen pour le remercier de
m'avoir fait l'immense honneur de me faire mon Fractal Portrait.
Ici avec
►
Marek Kaminsky, Grand explorateur polaire, le premier homme de
l'Humanité à avoir traversé, la même année, sans assistance, et le
Pôle Nord et le Pôle Sud. Quand je me suis occupé de lui,
►
à Bordeaux, avec Martine Brosse, où nous l'avons accueilli à la
Maison des Pèlerins de Bordeaux, Marek venait de marcher, ce jour,
52 km. Il était parti du Nord-est, de la Russie, quelques mois plus
tôt... Il y a des trajectoires, comme cela, qui se croisent dans la
vie, où certaines personnes finissent par se rencontrer.
Voir
►
Carnet de voyage
2015 résumé en
images
JFA signant, en
Allemagne, le carnet de voyage de Ryosuke Cohen, à l'occasion de son
tour d'Europe en 2015, après avoir enrubanné Ryosuke Cohen avec
cette ►
Credencial
Le projet Brain Cell de
►
Ryosuke Cohen
a débuté en 1985. Le grand artiste d'Osaka y reprend des images et
des tampons qui lui sont envoyés du monde entier par le réseau du
mail-art. Des images de toutes les formes et de toutes les couleurs
en provenance de plus de 80 pays. Parallèlement, il a lancé en 2001
son Fractal Portrait Project, un autre projet au long cours, qui
s'inscrit dans la tradition artistique japonaise du travail sur le
temps et la durée. Ryosuke est le fils d'un auteur de haïkus bien
connu au Japon, Jyunichi Koen.
(6/12)
Reçue du Japon
le 22 février 2016
Cette
►
invitation personnelle
numérotée
de Ryosuke Cohen,
à prendre
part
à son oeuvre artistique internationale
ORION SOUP
(.../...)
Dans la
mesure où je me prépare à aller marcher le long de ce Chemin
patrimonial des étoiles, je vais apporter mon soutien,
à ce monument de l'art contemporain qu'est Ryosuke
Cohen,
de cette façon : Je vais aller lui chercher,
historiquement,
tous les coups de tampons possibles et
imaginables,
le long de ces
►
5000 km de traversée de l'Europe
jusqu'à Saint-Jacques-de-Compostelle.
Ce sera là ma contribution historique
à son oeuvre d'art
Fractal Portrait Project